Epices festives

Notre nez, organe sensoriel doté d’une mémoire très subtile, associe senteurs et souvenirs. Pas étonnant donc que les arômes de cannelle et d’anis soient de la fête à Noël.

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Notre nez peut percevoir quelque 2000 substances aromatiques. Les odeurs sont enregistrées dans le cerveau et reliées à des souvenirs. Des scientifiques de l’University College de Londres pensent avoir trouvé une explication à ce phénomène: si les souvenirs ne sont pas conservés en un seul et même endroit, mais disséminés dans tout le cerveau, ils sont en revanche tous dirigés par l’hippocampe. Lorsqu’un organe des sens (par exemple le nez) est stimulé (par l’odeur des étoiles à la cannelle), cela active un souvenir (la période de l’Avent vécue durant l’enfance) qui en appelle aussi d’autres (par exemple la lueur des bougies) en lien avec d’autres organes sensoriels (la vue en l’occurrence). Sur la base d’études réalisées auprès de victimes de lésions cérébrales, les chercheurs pensent que les souvenirs liés aux odeurs sont ceux que le cerveau garde le plus longtemps en mémoire. Quant à savoir pourquoi… mystère!

Odeurs de Noël

Pour la plupart des enfants, les fêtes de Noël ont quelque chose de magique. Et elles éveillent aussi beaucoup de souvenirs et d’émotions plus tard, à l’âge adulte. Pour célébrer dignement les rituels de Noël ou de l’Avent, il faut donc faire la part belle aux senteurs de saison. En usant généreusement d’épices, comme la cannelle, l’anis ou le clou de girofle.

Anis

L’anis fait partie des ombellifères. Les graines se trouvent par paires à la fin des ombelles. Cette plante annuelle, qui pousse dans le pourtour méditerranéen, apprécie la chaleur et les sols calcaires.

L’anis est une des plus anciennes épices cultivées en Europe. En Grèce et à Rome, elle était considérée comme l’épice du peuple. Elle aromatisait d’ailleurs presque tous les pains et gâteaux. On dit que sous Néron, les spectateurs qui assistaient aux combats de gladiateurs grignotaient des biscuits à l’anis pour calmer leurs nerfs. Cette épice était toujours appréciée au Moyen-Age. Charlemagne aurait d’ailleurs expressément ordonné le développement de la culture de l’anis. On trouve également des mentions de traitements à base d’anis dans différents ouvrages médicaux.

L’anis a des effets calmants et favorise l’endormissement. Le soir, un verre de lait chaud additionné d’un peu de miel et d’une pincée d’anis moulu aiderait donc à trouver le sommeil. Antibactérien et antispasmodique, il soulagerait la toux et les problèmes digestifs, atténuerait les ballonnements et favoriserait la perte de poids dans le cadre d’un régime équilibré.

Longtemps considéré comme un aphrodisiaque, l’anis est aujourd’hui très apprécié dans les boissons alcoolisées. Pour preuve, les Pernod, pastis, ouzo et autres raki.

Dans de rares cas, l’huile essentielle d’anis peut provoquer des réactions allergiques, en particulier au niveau des voies respiratoires et du tube digestif. Une surdose d’huile essentielle d’anis peut avoir de sérieuses conséquences, notamment des vertiges voire, dans les cas les plus extrêmes, un sommeil profond accompagné d’une paralysie des muscles.

L’anis étoilé, en provenance de Chine, volontiers utilisé dans nos contrées pour les décorations de Noël, ne fait pas partie de la même famille que l’anis vert. Ces deux épices présentent cependant bon nombre de composants communs.

Cannelle

Pour obtenir de la cannelle, on prélève l’écorce des jeunes branches (1 à 2 ans) du cannelier et on la laisse sécher. Le produit ainsi obtenu est appelé cannelle. Son huile essentielle contient de nombreux composés (aldéhyde cinnamique, alcool cinnamylique, acide cinnamique) qui donnent l’odeur si caractéristique de la cannelle.

La médecine traditionnelle occidentale prête à la cannelle des propriétés chauffantes et stimulantes. Elle est aussi considérée comme un antispasmodique, un stimulant gastro-intestinal et un bon antalgique. On l’utilise donc volontiers en cas de maux de tête et pour soigner les crises de goutte. Des recherches plus récentes lui attribuent aussi des effets positifs sur le diabète de type 2. Ainsi, saupoudrer régulièrement les plats de cannelle devrait avoir une influence positive sur la glycémie. L’aldéhyde cinnamique, ou cinnamaldéhyde, que l’on retrouve aussi dans les produits cosmétiques et les parfums, est moins recommandable puisqu’il pourrait provoquer des allergies de contact.

Dans la culture asiatique, la cannelle est surtout appréciée pour ses effets sur le psychisme. L’aromathérapie mise d’ailleurs aussi sur ses effets stimulants. Les bâtonnets d’encens parfumés à la cannelle s’utilisaient déjà dans l’Antiquité lors de cérémonies religieuses, pour adresser des prières aux dieux et intercéder auprès de diverses divinités. Et durant les rituels de mise en terre, on brûlait de la cannelle pour envelopper les morts d’un parfum d’immortalité.

Très appréciée, la cannelle d’origine asiatique est vite devenue un des principaux produits du commerce mondial. Elle est d’ailleurs à l’origine d’une des premières routes maritimes des épices qui reliait l’Asie à la côte est de l’Afrique.

Clou de girofle

Les clous de girofle sont les boutons floraux séchés du giroflier, un arbre tropical à feuilles persistantes. Les boutons floraux sont récoltés avant éclosion et mis à sécher pour préserver leurs huiles essentielles. Le giroflier est originaire de l’archipel des Moluques, en Indonésie.

Le clou de girofle, à l’instar de la cannelle et de la noix de muscade, figure parmi les épices qui améliorent l’humeur. Son parfum aurait ainsi des propriétés calmantes et légèrement antidépressives. L’huile essentielle de girofle serait en outre antispasmodique et atténuerait les flatulences.

Les clous de girofle s’utilisent depuis longtemps pour l’hygiène buccale et contre les maux de dents – en cas d’urgence, on conseille de poser un clou de girofle sur la zone douloureuse et de le mâcher doucement. L’huile essentielle de girofle est aussi efficace pour soigner les petites blessures de la muqueuse buccale, comme les aphtes. Dans la Chine ancienne, les courtisans étaient tenus de mâchonner des clous de girofle en présence de l'empereur, pour éviter que leur haleine n’indispose le nez délicat de leur souverain.

L’industrie cosmétique recourt aussi volontiers aux clous de girofle. On les retrouve ainsi dans des parfums, des dentifrices et des lotions pour le corps. Si l’huile essentielle de girofle fortement concentrée peut provoquer des irritations cutanées, elle déclenche rarement des allergies.

Dans l’Antiquité, des clous de girofle étaient brûlés durant les cérémonies de culte. Aujourd’hui, l’industrie du tabac les intègre à d’autres produits destinés à partir en fumée.

Noix de muscade

Les muscadiers, arbres à feuilles persistantes, poussent dans les plaines tropicales proches de la mer et généralement à l’ombre d’autres arbres. Les fleurs femelles forment des baies jaunâtres qui contiennent des graines brun clair: les noix de muscade.

La noix de muscade en poudre est recommandée en cas de diarrhée persistante. Elle aurait également des propriétés anti-inflammatoires et agirait positivement sur l’humeur en hiver. Dans les années 60, les hippies appréciaient ses effets hallucinogènes. A trop hautes doses, la muscade peut provoquer des symptômes d’intoxication, avec des troubles de l’équilibre et des crises de panique. En cas de surdosage important, elle peut même être mortelle.

L’industrie alimentaire l’utilise dans de nombreux produits, parfois surprenants. Ainsi, on la retrouve pour ses propriétés stimulantes, comme la cannelle, le gingembre, la coriandre et le clou de girofle, dans le Coca-Cola. Elle parfume également le ketchup.

L’avantage de la noix de muscade est que son arôme convient aussi bien aux mets salés qu’aux gourmandises sucrées.

Auteure: Katharina Rederer
Traduction: Claudia Spätig
Rédaction: Marie-Noëlle Hofmann
Sources
  • Dr Manuela Mahn et Dr Alexander Schenk: «Naturgesund mit Gewürzen - Heilwissen, Tipps und Rezepte», vgs.de, ISBN 3-8025-1624-9

  • «Tribune du droguiste»

  • spiegel.de