Médicaments: les risques des interactions
En matière de médicaments, plus on donne d’informations, plus l’utilisation sera sûre et efficace. La pharmacienne Kaja Vela en dit plus sur les interactions.
Cet article aborde les thèmes suivants
- Pourquoi mettez-vous vos clients en garde contre des interactions?
- Quelle est la fréquence des interactions?
- Avez-vous des exemples pratiques?
- Ça signifie que même des médicaments en vente libre comme les comprimés contre les maux de tête peuvent être dangereux?
- Qu’en est-il des produits purement végétaux?
- Le conseil spécialisé vaut donc la peine …
- Que conseillez-vous aux gens qui aimeraient bien prendre eux-mêmes leur santé en main?
Pourquoi mettez-vous vos clients en garde contre des interactions?
Kaja Vela: Parce que beaucoup de choses peuvent arriver. En fonction de la combinaison qu’on ingère, les effets peuvent se renforcer, créant ainsi un mélange médicamenteux toxique. Ou un médicament peut inhiber l’effet d’un second ou même l’annuler. Le fait est qu’il y a de nombreux mécanismes d’interactions qui nécessitent les connaissances spécialisées adéquates
Quelle est la fréquence des interactions?
C’est difficile à estimer car ça dépend de la substance. Et tout le monde ne réagit pas de la même manière. En outre, le moment de la prise peut aussi jouer un rôle décisif. Un médicament n’aura pas les mêmes effets s’il est pris avant ou après le repas et cela dépend aussi du délai entre la prise et le repas.
Avez-vous des exemples pratiques?
Par exemple la combinaison d’anticoagulants avec certains analgésiques anti-inflammatoires peut provoquer des hémorragies internes. Quelques hypotenseurs peuvent interagir avec cette classe d’analgésiques ce qui peut provoquer des défaillances rénales.
Ça signifie que même des médicaments en vente libre comme les comprimés contre les maux de tête peuvent être dangereux?
Oui! Même un analgésique généralement très bien toléré comme le paracétamol peut provoquer des lésions hépatiques s’il est combiné avec certaines substances. Ou la combinaison de certaines préparations contre les refroidissements avec des tranquillisants peut provoquer de la somnolence, une interaction qui peut être fatale au volant. Mais souvent, la dose aussi fait le poison. A ce sujet, je peux prendre l’exemple de mon père: il a subitement commencé à souffrir de vertiges. Il prenait bien régulièrement ses tout petits comprimés contre l’hypertension mais à double dose car il ne voulait pas partager ces «minicomprimés» comme il aurait dû le faire.
Qu’en est-il des produits purement végétaux?
Là aussi, la prudence est de mise. Car la formule «végétal = naturel = bon = sain» n’est que partiellement vraie. Le millepertuis qui est souvent utilisé contre les troubles de l’humeur peut notamment inhiber l’effet de la pilule et rendre ainsi une grossesse possible. Et le jus de pamplemousse aussi peut être néfaste s’il est combiné avec des médicaments comme les hypolémiants: un surdosage dû au jus de fruits peut provoquer de dangereux troubles musculaires.
Le conseil spécialisé vaut donc la peine …
Absolument! Ce n’est pas pour rien que j’ai étudié pendant cinq ans la pharmacie à l’université. Nous sommes les professionnels des médicaments, les profanes n’ont pas les connaissances spécialisées nécessaires. Mais internet donne malheureusement accès à des fausses informations catastrophiques à côté d’informations très sérieuses.
Que conseillez-vous aux gens qui aimeraient bien prendre eux-mêmes leur santé en main?
Peu importe qu’ils prennent une préparation multivitaminée apparemment sans danger, il est important que le spécialiste le sache. Car même certains compléments alimentaires, des sels minéraux comme le fer ou le magnésium peuvent empêcher que les principes actifs d’autres médicaments soient assimilés dans le sang et les éliminer sans qu’ils aient agi. Mon exigence en tant que pharmacienne est d’éviter cela. Ça vaut donc la peine que les clients fournissent le plus d’informations possibles sur leur santé. Et mieux vaut demander trop que trop peu.
Kaja Vela, pharmacienne dipl. féd.
La Bernoise habite avec son mari et sa fille en Suisse romande. Elle a embrassé la profession de pharmacienne car elle disposait de grandes compétences sociales en plus de son amour pour les sciences naturelles et elle ne voulait donc pas devenir «uniquement une physicienne».
Traduction et rédaction: Marie-Noëlle Hofmann
Contrôle scientifique: Elisabeth von Grünigen-Huber, droguiste ES et responsable Politique et branche à l’Association suisse des droguistes (ASD)
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Kaja Vela, pharmacienne dipl. féd.