L’hygiène favorise les allergies

Ne pas craindre les germes

Les cas d’allergie sont de plus en plus fréquents. Il y a plusieurs raisons à cela, comme l’explique le Dr Georg Schäppi, directeur de aha! Centre d’Allergie Suisse, dans cette interview.

Monsieur Schäppi, je n’ai pas d’allergie. Ai-je de la chance, me suis-je bien comportée ou est-ce grâce aux gènes de mes parents?
Dr Georg Schäppi: Il faut effectivement qu’il y ait une certaine prédisposition génétique pour qu’une personne puisse développer une allergie. Si un des parents présente une allergie, l’enfant aura plus de risques d’en avoir une à son tour. Si les deux parents sont allergiques, le risque est statistiquement de 60 %.

Il semble que de plus en plus de gens souffrent d’une allergie. Est-ce effectivement le cas?
Oui. Nous observons ce phénomène depuis quelques dizaines d’années dans les pays industrialisés, comme la Suisse.

Dr sc. nat. EPF Georg Schäppi

Le Dr sc. nat. EPF Georg Schäppi est directeur de aha! Centre d’Allergie Suisse

Pourquoi?
La pollution de l’environnement a une influence sur l’augmentation de la fréquence des allergies. Prenons une agglomération urbaine avec des concentrations élevées d’ozone. Les gens qui vivent là ont de fait les voies respiratoires irritées. Les pollens peuvent donc plus facilement déclencher une réaction allergique chez ces gens que chez des personnes qui respirent de l’air plus pur. Nous savons aussi que les plantes qui poussent dans des régions polluées ont des pollens plus agressifs. Des études ont notamment montré que le pollen des bouleaux qui poussent en ville a une autre structure protéique que celui des bouleaux des forêts encore vierges de Scandinavie. Dans les zones urbaines, les polluants atmosphériques agressent les bouleaux, ce qui déclenche un processus de guérison dans les arbres. Mais les protéines de cicatrisation qui sont alors produites sont très allergènes. Ce qui explique pourquoi les pollens sont plus allergènes dans les villes que ceux des arbres de Scandinavie.

Mais, outre l’environnement, notre style de vie a aussi une influence sur la fréquence des allergies. Nous vivons de manière plus stérile que jadis, bien loin de la nature. Les allergies sont en fait une maladie de civilisation.

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Nous vivons trop proprement?
Oui. Celui qui expose régulièrement son système immunitaire à des défis présente finalement un risque d’allergies moins élevé. Aujourd’hui, les gens ont souvent tendance à rester beaucoup à la maison, à passer la soirée assis devant la télé, à descendre au garage en ascenseur, à prendre la voiture pour aller au bureau et à s’enfermer dans un centre de fitness le week-end. Si les gens passaient plus de temps dehors, dans la nature, à faire des grillades, à se balader dans la forêt, ils entreraient en contact avec quantité d’éléments qui constitueraient de bons défis pour leur système immunitaire.

Il faudrait donc occuper le système immunitaire?
On peut dire ça comme ça. Les enfants qui grandissent dans une ferme à la campagne sont beaucoup moins touchés par les allergies que les enfants des villes. Dans les pays où la population est encore confrontée à différents parasites, comme les ténias, les allergies sont nettement moins fréquentes. Car dans ces situations, le système immunitaire doit se battre contre de vrais ennemis.

En faisant suffisamment d’exercice et en s’alimentant de manière équilibrée, on peut déjà faire beaucoup.

aha! Centre d’Allergie Suisse

La fondation indépendante aha! Centre d’Allergie Suisse s’engage pour défendre les besoins de plus de trois millions de personnes qui, en Suisse, souffrent d’allergie, d’asthme, de dermatite atopique et d’intolérance. Elle propose des informations, des conseils et des formations ainsi que des ateliers pratiques et des camps de vacances pour les enfants.

www.aha.ch

Mais cela ne suffit pas?
On sait aujourd’hui, que le microbiome joue un rôle important. Il s’agit de tous les bons germes qui colonisent la peau, le tube digestif ou encore les poumons d’un individu. Suivant la composition du microbiome, le risque d’allergie est plus élevé.

Peut-on agir soi-même sur la qualité de son microbiome?
Il y a des études qui comparent naissances par césarienne et accouchements naturels. Lors d’un accouchement naturel, l’enfant entre entièrement en contact avec le microbiome de sa mère, ce qui constitue une formidable protection naturelle. La césarienne, à l’inverse, constitue donc un facteur de risque pour les allergies. Une mauvaise utilisation des antibiotiques peut aussi, surtout chez les enfants, perturber l’équilibre du microbiome.

Et à quoi ressemble notre futur en matière d’allergies?
Nous disposons de certains atouts. Car sachant que l’environnement, l’hygiène, le microbiome et le style de vie influencent le risque d’allergie, nous pouvons adapter notre comportement. Nous pouvons contrôler les activités de loisirs de nos enfants, veiller à ce qu’ils passent du temps dehors ou chez les scouts ou encore dans le bac à sable. Nous pouvons améliorer notre alimentation et les femmes peuvent décider si elles veulent vraiment accoucher par césarienne en l’absence de raison médicale. En un mot: quand on sait à quoi s’en tenir, on peut agir.

Auteure: Bettina Epper
Traduction: Claudia Spätig
Rédaction: Marie-Noële Hofmann
Contrôle scientifique: Dr phil. nat. Anita Finger Weber
Sources
  • Tribune du droguiste

  • Dr sc. nat. EPF Georg Schäppi, directeur de aha! Centre d’Allergie Suisse