Dépendance au jeu

L'addiction au jeu commence tôt

Quand un enfant s’isole de plus en plus et ne lâche plus sa console de jeux, les parents devraient vraiment devenir attentifs.

La dépendance au jeu est un problème chez les enfants. Ce que confirme Renanto Poespodihardjo, responsable du département des addictions comportementales à la Clinique psychiatrique universitaire de Bâle. Ce n’est qu’en été 2018 que l’établissement a ouvert un centre stationnaire pour les personnes qui ne peuvent plus contrôler leur comportement addictif, que ce soit avec le jeu ou d’autres activités (par ex. les achats compulsifs ou la dépendance au sport).

«Dès le début des traitements, neuf des douze places disponibles étaient occupées», souligne le psychologue. La demande concernant le traitement de l’addiction au jeu vidéo ou internet a augmenté ces dernières années. «Mais des chiffres fiables sur l’ampleur de l’augmentation en Suisse ne seront disponibles qu’en 2019.»

Jouer sans fin

L’expert constate que l’accès constant à l’internet, associé à des problèmes familiaux et à la pression de performances qui peut peser sur les enfants et les ados, ne fait qu’accroître la probabilité de se perdre dans le monde virtuel. «Les jeux sont aujourd’hui conçus de manière à ce que le joueur puisse, par exemple, se glisser dans la peau d’un avatar et interagir avec d’autres joueurs. Cette forte interactivité augmente encore leur potentiel addictif», explique Renanto Poespodihardjo. Autre facteur favorisant l’addiction: ces jeux virtuels sont généralement sans fin, contrairement aux jeux de société traditionnels, comme le jeu des petits chevaux. Les jeux virtuels continuent toujours, de nouveaux défis apparaissent, il faut faire face à de nouveaux adversaires, repenser sa stratégie, relever un nouveau challenge. Un enfant peut donc facilement se laisser entraîner et établir un lien fort et beaucoup trop étroit avec ce type de jeux.

Une aide: SafeZone.ch

Le site internet SafeZone.ch propose notamment des consultations en ligne gratuites et anonymes pour les parents. Ils ont ainsi à disposition une équipe de plus de 40 professionnels, bénéficiant d’une longue expérience dans l’accompagnement des personnes dépendantes et de leurs proches et disposant de qualifications propres à la consultation en ligne. SafeZone.ch est une offre de l’Office fédéral de la santé publique, en collaboration avec les cantons, des institutions spécialisées dans l’addiction et d’autres partenaires.

Redoubler d’attention

Mais jusqu’à quand considère-t-on qu’il ne s’agit que d’un loisir apprécié et à partir de quand parle-t-on vraiment de dépendance? «Quand le lien au jeu est si fort que toutes les autres choses, comme l’école, les loisirs, les relations humaines et le monde réel, ne sont plus importantes.» Dans ce cas, l’enfant peut même ne plus avoir envie d’aller en vacances, simplement parce qu’il n’a pas d’accès à l’ordinateur. Les parents devraient redoubler d’attention quand les notes baissent ou que l’enfant risque même de redoubler. Il ne joue plus de son instrument, ne s’intéresse plus à ses amis et ne suit plus l’entraînement de football ou les leçons de danse.

«Nous observons souvent que les enfants qui vivent une situation difficile développent une addiction au jeu. Que ce soit du mobbing à l’école ou des problèmes à la maison, avec des parents qui se disputent souvent ou travaillent sans arrêt. L’enfant s’isole alors de plus en plus dans son propre monde virtuel, parce qu’il peut s’y épanouir et trouver de la sécurité.» Beaucoup de parents ne le remarquent pas, ou alors très tard: ils sont tout simplement contents que leur enfant soit à la maison et ne traîne pas n’importe où dans la rue.

Soutenir l’enfant

Il est important de chercher rapidement de l’aide, assure l’expert: «Le mieux est de se renseigner auprès du médecin de famille ou de la direction de l’école pour savoir où se trouvent le centre d’entraide et les offices compétents les plus proches.» Car si on laisse l’enfant seul avec ses problèmes, il risque de plonger plus encore dans la dépendance. Une fois adulte, au moment de poursuivre sa formation ou de chercher un emploi, il pourrait donc développer des comportements addictifs similaires et continuer de consacrer l’essentiel de son temps aux jeux vidéo ou d’argent.

Interdire n’est pas très utile

Faire appel à une aide professionnelle est donc une mesure importante. Mais il faut aussi faire preuve de compréhension envers l’enfant et son «monde». «Je donne volontiers cet exemple: un enfant qui adore faire du vélo va se replier sur lui-même et bouder si je lui interdis d’en faire. Mais si je lui explique en quoi le vélo peut être dangereux, il me comprendra certainement mieux», explique Renanto Poespodihardjo. Les parents devraient donc s’initier à ces jeux et même y jouer eux-mêmes pour comprendre pourquoi ils exercent une telle fascination sur leur enfant. «Il faudrait connaître le thème du jeu, savoir s’il s’agit de construire un vaisseau spatial ou de développer des stratégies, s’il intègre des épéistes ou d’autres joueurs. Il faudrait donc savoir de quoi il s’agit avant de vouloir discuter avec l’enfant.»

On peut alors être à l’écoute de l’enfant, avec compréhension et empathie, lui dire que l’on trouve super qu’il puisse construire un tel vaisseau virtuel. Mais qu’il doit aussi remplir d’autres obligations, comme aller à l’école, aux cours de musique et de sport et entretenir des contacts personnels avec les autres. «A mon avis, les interdictions pures et simples ne servent pas à grand-chose. Mieux vaut montrer à l’enfant ce que le monde réel peut lui apporter et ce qu’il manque en étant toujours assis devant l’écran.» Il faut certainement de la patience et du temps pour remettre l’enfant sur la voie de la réalité. Et établir des accords clairs définissant quand l’enfant peut jouer et quand il doit consacrer du temps à d’autres choses, comme les amis, la culture, les devoirs scolaires ou la vie familiale.

Auteure: Denise Muchenberger
Traduction: Claudia Spätig
Rédaction: Marie-Noëlle Hofmann
Contrôle scientifique: Dr phil. nat. Anita Finger Weber
Sources
  • Tribune du droguiste

  • Renanto Poespodihardjo, psychologue responsable du département des addictions comportementales à la Clinique psychiatrique universitaire de Bâle