Même la mémoire de la douleur peut oublier

Souffrir de douleurs chroniques est très éprouvant. Mais ces douleurs ne sont pas inéluctables. Car même la mémoire de la douleur connaît l’oubli.

Selon l’étude «Pain in Europe» réalisée en 2003, près de 16 % des Suisses souffrent de douleurs chroniques – depuis 7,7 ans en moyenne. Et 26 % d’entre eux même depuis plus de 20 ans. «On parle de douleurs chroniques quand les douleurs perdurent pendant plus de trois à six mois», explique Lutz Frank, spécialiste de la douleur au Centre de la douleur de Zofingue (AG). Les maux de dos figurent en tête de liste, suivis par les douleurs rhumatismales et les maux de tête.

Une douleur qui dure

Normalement, le système inhibiteur propre à l’organisme veille à ce que les douleurs s’atténuent rapidement. Il suffit ainsi de quelques instants pour qu’on ne sente plus une égratignure à la tête. Mais certaines douleurs résistent – et cela même quand le facteur qui les a provoquées a depuis longtemps disparu. Ce phénomène est dû à ce qu’on appelle la mémoire de la douleur. «C’est lié à une modification du système nerveux chargé de traiter les stimuli de la douleur», explique le Dr méd. Lutz Frank. La voie initialement étroite réservée aux messages de la douleur s’agrandit progressivement sous l’effet des forts stimuli répétés au fil des ans jusqu’à devenir une autoroute à plusieurs voies. Parallèlement, la zone du cerveau chargée du traitement de la douleur s’agrandit également, mécanisme appelé neuroplasticité (capacité du cerveau à se modifier). Ce mécanisme existe même quand la partie du corps qui avait initialement provoqué la douleur ne fonctionne plus ou n’existe plus, comme dans le cas d’amputations. C’est d’ailleurs l’explication des douleurs fantômes – douleurs qu’une personne peut ressentir là où se situait sa jambe ou son bras amputé. Lutz Frank se veut quand même optimiste: «Les douleurs chroniques ne sont pas inéluctables.» Au terme de certains traitements, le système nerveux peut se normaliser. «Car même la mémoire de la douleur peut oublier.»

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Douleurs dues à une mauvaise position

Un problème fréquent est à l’origine des douleurs chroniques: les mauvaises positions et les contractures qui s’étendent aux zones voisines, lesquelles n’étaient pourtant pas douloureuses dans un premier temps. Par ailleurs, ces douleurs qui ne s’arrêtent pas finissent par peser sur le moral. «On peut évoquer l’isolement social, des angoisses existentielles ou encore des problèmes professionnels et financiers», rappelle Lutz Frank. Les concepts thérapeutiques modernes proposent donc de traiter ces problèmes selon une approche multimodale. «Les traitements qui se basent exclusivement sur des injections et des infiltrations dans les zones douloureuses ne sont donc guère prometteurs.»

Un traitement global de la douleur comprend ainsi, en fonction de l’origine du mal, également des mesures psychologiques. «La thérapie comportementale, par exemple, permet au patient d’apprendre à mieux vivre avec ses douleurs», conclut le spécialiste.

Auteure: Silvia Stähli-Schönthaler
Rédaction: Katharina Rederer
Traduction: Claudia Spätig
Sources