Les vertus curatives des épices
Les épices comme le poivre ou le piment agrémentent nos plats. Mais elles sont aussi saines car elles favorisent la digestion, améliorent l’humeur ou soulagent les maux de tête.
Les hommes de l’Age de pierre connaissaient déjà des épices, par exemple le cumin sauvage. Depuis des siècles, les gens en font commerce et elles ont même provoqué des guerres. Les épices exotiques étaient autrefois des articles de luxe onéreux. Aujourd’hui, on trouve tout l’univers des épices sur les rayons des supermarchés.
Les connaissances concernant le pouvoir de guérison des épices sont elles aussi anciennes. Jusqu’au 19e siècle, c’était souvent le seul médicament efficace dont les hommes disposaient. Et elles n’ont rien perdu de leurs effets bienfaisants jusqu’à aujourd’hui.
On connaît l’anis pour son utilisation dans les crêtes de coq de Noël et le pastis. Mais peu nombreux sont ceux qui savent que c’est l’une des plus anciennes plantes médicinales du monde. Les huiles essentielles qu’il contient lui confèrent sa saveur si particulière et ses effets bénéfiques.
Dans l’est du bassin méditerranéen, on l’utilise depuis plus de 4000 ans pour soigner la mauvaise haleine et les maux de ventre. Et les femmes de Bohème misaient sur les boissons anisées pour réveiller la libido de leur époux. Anton Löffel, droguiste dip. féd., peut aujourd’hui encore recommander: «L’anis a surtout des propriétés digestives et antispasmodiques, il régule l’activité intestinale et chauffe de l’intérieur.» Cette plante ayant aussi un léger effet expectorant, la médecine populaire l’utilise également en cas de bronchite et de pharyngite.
La cannelle est en fait la jeune écorce intérieure du cannelier. En médecine, la cannelle fait partie des épices qui stimulent la circulation sanguine, calment les spasmes et réchauffent l’organisme. Les personnes qui ont toujours les pieds froids, par exemple, trouveront dans leur droguerie des semelles à la cannelle. Le droguiste Anton Löffel: «L’huile essentielle de cannelle contenue dans les semelles réchauffe les pieds.» Mais la cannelle est également idéale pour les personnes qui ont mangé quelque chose de mauvais. «Elle a des effets désinfectants.» En outre, à l’instar du gingembre, elle stimulerait le pancréas. «Comme il travaille mieux, cela peut avoir un effet positif sur la glycémie.»
Mais ce n’est pas tout. La teinture de cannelle aide aussi en cas de refroidissement, de toux et de rhume. Et la médecine traditionnelle asiatique l’utilise pour soutenir le mental. «En aromathérapie, l’odeur de la cannelle améliore l’humeur en nous reliant à la terre», explique Anton Löffel. Alors, si vous avez l’impression de perdre pied, n’hésitez pas à boire du thé à la cannelle.
La cardamome figure parmi les épices les plus onéreuses au monde avec la vanille et le safran. Elle contient des substances psychoactives. Elle a des effets positifs sur l’humeur, la motivation et elle est rafraîchissante. Cette épice éclaircit les idées, renforce les performances de la mémoire et peut contribuer à améliorer l’estime de soi. En outre, la cardamome stimule la digestion, a des effets antispasmodiques et carminatifs. Elle peut aider contre la sécrétion excessive d’acides gastriques. Finalement, la cardamome a des propriétés désodorisantes, comme un médecin arabe l’écrivait au 8e siècle avant J.-C.: «La cardamome balaie toutes les mauvaises odeurs de putréfaction en provenance de l’estomac et de la bouche». Cette épice est utilisée à haute dose dans tout l’Orient comme aphrodisiaque.
Le clou de girofle provient du bouton floral du giroflier, un arbre tropical du nom de Syzygium aromaticum. Autrefois, les girofles ne poussaient que sur l’archipel indonésien des Moluques. Au 16e siècle, le commerce de cette épice passa sous domination portugaise puis hollandaise. Enfin, vers 1770, le botaniste français Pierre Poivre réussit à voler des plans de girofliers et à les implanter sur l’île Maurice. Ils poussent désormais pratiquement partout sous les Tropiques. L’huile essentielle de girofle est constituée d’eugénol, d’où son goût caractéristique et ses vertus curatives. Au 16e siècle, on l’utilisait déjà comme médicament, par exemple contre les maux de dents. Aujourd’hui, son huile essentielle séduit les fabricants de parfum, de produits alimentaires et cosmétiques. Cinq kilos de clous de girofle suffisent pour produire 1 kilo d’huile essentielle.
Le droguiste Anton Löffel recommande le clou de girofle pour soigner les crampes d’estomac, les maux de tête et les rhumatismes. En droguerie, il se présente sous forme de teinture ou de gouttes. Important: respectez le dosage recommandé. «Pris en trop grande quantité, il peut avoir un effet anesthésiant. Et les femmes doivent y renoncer durant la grossesse, car il peut provoquer des contractions».
La coriandre est arrivée avec les Romains en Angleterre et est devenue ensuite un élément indispensable du jardin du couvent. Le parfum et les effets de cette plante étaient déjà connus des Babyloniens et la médecine traditionnelle chinoise mise depuis des siècles sur la force de guérison de la coriandre en cas de problèmes digestifs, de maux d’estomac, de saignements, ainsi que d’hémorroïdes, de maux de dents et même de rougeole et de dysenterie. Le droguiste Anton Löffel explique: «Les graines de coriandre aident en cas de problèmes de digestion, désinfectent le bol alimentaire, soulagent les crampes d’estomac et détendent les nerfs de l’estomac. Mais elles sont moins efficaces que le cumin», précise Anton Löffel.
En outre, la coriandre stabilise le psychisme, a des effets euphorisants, renforce les nerfs et aide à diminuer les angoisses comme le trac. Pour lutter contre la peur des examens, mâchez des graines de coriandre. Ou préparez-vous une tisane: versez de l’eau bouillante sur des graines de coriandre écrasées et laissez tirer le thé un moment. Ce thé aide aussi contre les ballonnements et le sentiment de satiété. L’huile essentielle de coriandre régule en douceur et aide en cas de fatigue, de manque d’énergie, elle stimule nos forces créatives et améliore la mémoire. Prudence avec les feuilles de coriandre: elles peuvent provoquer des réactions chez les personnes allergiques au persil ou au céleri. Ses graines sont en revanche inoffensives.
Le cumin est l’épice numéro 1 contre les flatulences et les lourdeurs d’estomac. Il stimule la digestion des aliments et celle des graisses. C’est les huiles essentielles qu’il contient qui en sont responsables. Elles ont des propriétés antispasmodiques et digestives. Le cumin était déjà apprécié dans l’Egypte ancienne; pas pour ses effets anti-ballonnements, mais pour invoquer l’esprit des morts. Attention: le cumin appartient à la même famille que la ciguë, laquelle est très toxique. La prudence s’impose donc. Il ne faut pas non plus confondre le cumin ou carvi avec le cumin blanc ou faux anis. Même si leurs noms se ressemblent, les deux plantes ne sont pas de la même famille et leurs arômes sont très différents.
Le curcuma s’utilise pour teindre les textiles et colorer les aliments, comme les pâtes, la confiture ou la moutarde. C’est aussi l’un des principaux ingrédients des poudres de curry. Il vient vraisemblablement d’Asie du Sud, d’Asie du Sud-est et d’Inde. Les spécialistes supposent que le marchand vénitien Marco Polo aurait découvert la racine de curcuma durant une de ses expéditions, au 14e siècle, et aurait été le premier à l’importer en Europe.
En médecine ayurvédique, le curcuma est considéré comme une plante sacrée depuis des millénaires. Il doit sa couleur jaune à la curcumine, pigment principal de la plante, qui agit contre de nombreux problèmes digestifs. Le droguiste Anton Löffel dit: «Le curcuma soutient l’activité de la rate, de la vésicule biliaire et du pancréas». On trouve en droguerie des comprimés au curcuma en cas de faiblesse digestive.
Le curry n’est pas une épice en soi mais un mélange d’épices. Les poudres de curry européennes se composent généralement de poivre, de gingembre, de paprika, de coriandre, de clous de girofle, de cardamome, de muscade, de poivre de Cayenne et de curcuma. C’est ce dernier qui donne à la plupart des mélanges de curry leur couleur jaune.
Nos mélanges de curry n’ont rien à avoir avec les curry indiens. Ceux-ci sont préparés individuellement en fonction des spécialités cuisinées. Ils contiennent parfois jusqu’à 36 épices différentes. La plupart des curry étant riches en coriandre et en cumin, ils sont bons pour la digestion.
Les chercheurs présument que le gingembre vient d’Indonésie. Il se serait répandu dans tout l’est de l’Asie 2000 ans av. J.-C. Alexandre le Grand (356 – 323 av. J.-C.) l’a introduit en Europe. Au Moyen Age, ses vertus médicinales étaient surtout connues des moines qui le préconisaient par exemple contre les problèmes d’estomac et les refroidissements. Le zingibérénol et le gingérol, deux huiles essentielles, sont responsables du goût piquant et des vertus curatives du gingembre. Ces huiles ont des propriétés chauffantes, expectorantes et anti-inflammatoires. Le droguiste Anton Löffel: «Le gingembre est donc utile contre les refroidissements et les troubles rhumatismaux».
Cette racine stimule aussi la circulation sanguine et la production de sucs gastriques tout en améliorant la respiration. Enfin, le gingembre confit est utile contre la migraine accompagnée de problèmes d’estomac ou le mal des transports. «Buvez du thé au gingembre pour être en pleine forme le matin», assure Anton Löffel. Un breuvage facile à réaliser: verser de l’eau chaude sur des morceaux de gingembre, ajouter du citron non traité – et c’est prêt! Bon à savoir: nul besoin de se passer des bienfaits du gingembre si l’on n’apprécie pas son goût: il est aussi disponible en préparations, par exemple sous forme de capsules. Attention: les femmes enceintes ne devraient plus consommer trop de gingembre dès la 36e semaine de grossesse car il peut déclencher des contractions prématurées.»
Comme le clou de girofle, la noix de muscade fait partie des épices énergétiques de Hildegarde de Bingen. Elle s’est enthousiasmée pour les vertus antidépressives, améliorant l’humeur et régulantes de l’épice. Celle-ci freine les diarrhées et a des effets anti-inflammatoires et antalgiques, elle diminue les taux de lipides sanguins, a des effets anticoagulants et stimule la capacité de détoxination du foie. Prudence: l’efficacité médicale prouvée de la muscade ne peut pas être utilisée de manière optimale car des effets secondaires graves peuvent également apparaître même avec le dosage recommandé. Le droguiste Anton Löffel précise: «En cas de surdose, soit une demi-noix ou plus, il peut y avoir des troubles de la conscience et des symptômes d’intoxication, tels que des vertiges, des nausées et de violentes crampes abdominales.» Avaler trois à cinq noix de muscade serait même mortel. Mais les doses utilisées en cuisine sont sans danger. «Mieux même, elles détendent», assure le droguiste.
C’est le navigateur italien Christophe Colomb qui a ramené cette épice en Europe à la fin du 15e siècle. Les piments peuvent être si forts que le simple fait de les toucher est douloureux. Le Trinida Scorpion Butch T, par exemple, ne peut se récolter qu’avec des gants. Sur l’échelle de Scoville, qui mesure la force des piments, le Trinida Scorpion Butch T. atteint la valeur record de 1,4 million d’unités, soit 400 fois plus que le tabasco. La quantité de capsaïcine, principale substance active des piments, détermine leur degré de piquant. Dans la nature, ce principe actif protège les plantes de la voracité de leurs prédateurs. Attention: manger un morceau de Trinida Scorpion Burch T. peut provoquer un collapsus. Boire de l’eau ne sert à rien. Au contraire, l’eau ne fait que répandre le piquant dans la bouche et aggrave la situation. Mieux vaut avaler de la glace, du yaourt ou du lait.
Le piment tue les agents pathogènes, régule le métabolisme et stimule la digestion. Le droguiste Anton Löffel précise: «Les pommades au piment augmentent la circulation sanguine et peuvent donc soulager les douleurs articulaires». Le piment est ainsi un médicament efficace contre les rhumatismes.
Aujourd’hui sur toutes les tables, le poivre noir était autrefois si précieux qu’on l’appelait «or noir». Au Moyen-Age, en dérober une poignée rapportait autant que réussir un hold-up aujourd'hui.Et quand la monnaie venait à manquer, le poivre remplaçait les pièces. Cette épice est originaire du sud de l’Inde. Le poivre blanc et le poivre noir proviennent tous deux des fruits verts de la même plante. Le poivre séché au soleil devient noir; celui plongé dans l’eau perd son écorce verte et devient blanc. Les grains de poivre contiennent un principe actif, la pipérine, et des huiles essentielles comme le linalol, le limonène et le myrcène. Ils stimulent la digestion et tuent les germes.
La vanille est l’un des arômes les plus appréciés au monde. Sa gousse contient quelque 90 000 graines à la saveur inimitable. Cette épice est le fruit de l’orchidée Vanilla planifolia. C’est grâce à des soldats espagnols, qui découvrirent cette épice durant la campagne de 1590 au Mexique, que la vanille a été introduite sous nos latitudes. Après avoir séduit la Cour d’Espagne, elle a enchanté toutes les maisons princières d’Europe.
Le chocolat chaud avec de la vanille enchante les gens. Aujourd’hui, elle n’est pas seulement appréciée pour son arôme. On suppose aussi que cette épice favorise la libération de sérotonine dans le cerveau. Le droguiste Anton Löffel explique: «Cela provoque une sensation de bonheur et détend.» Et la vanille réveillerait aussi la libido.
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Traduction et rédaction: Marie-Noëlle Hofmann
- Sources
«Tribune du droguiste»
Miranda Seymour, «Eine kleine Geschichte der Kräuter und Gewürze», Scherz Verlag, 2005
Susanne Fischer-Rizzi, «Himmlische Düfte. Anwendung wohlriechender Pflanzenessenzen und ihre Wirkung auf Körper und Seele», AT-Verlag, 2002
Ursel Bühring, «Alles über Heilpflanzen», Ulmer Verlag, 2007
Peter Oppliger, «Naturheilkunde. Geheimnisse der natürlichen Heilkräfte, ihre Wirkungsweisen und Anwendungen», AT-Verlag 2002
Stephanie Wenzel, Wolfgang Funke, «Das Kräuterjahr. Gesund und schön mit der Kraft der Natur», Wilhelm Heyne Verlag, 2005
Dr Manuela Mahn, Dr Alexander Schenk, «Naturgesund mit Gewürzen. Heilwissen, Tipps und Rezepte», vgs, 2004